Initiation au Vedanta



Il est vrai que l'ego superficiel apparaît de manière prédominante dans la vie empirique. Il exerce généralement une attirance très puissante. Mais, bien que son attraction soit parfois despotique, beaucoup de personnes n’éprouvent pas la nécessité de s’interroger sur son statut réel, et, de leur point de vue, elles ont raison puisqu'elles le considèrent comme vraiment réel, à l’encontre de ce qu’indiquent les Sages. [Note 4]

Beaucoup de personnes croient que l’être (la conscience, le soi) existe seulement tel qu'elles le perçoivent ordinairement par le biais des organes sensoriels physiques et des facultés mentales. Elles ne cherchent pas à remettre en cause cette croyance, à vérifier sa validité, son authenticité. La perception qu'elles ont de leur propre ego est considérée d'emblée comme véridique, et cette perception non approfondie, jugée illusoirement comme incontestablement avérée, les empêche de douter positivement et de se mettre en quête d'un éclaircissement sérieux sur la nature réelle de soi-même.

Cependant, cette croyance n’est pas partagée par tous. A toute époque et en tous lieux ont existé et existent toujours des chercheurs, des découvreurs, qui ne se contentent pas de se soumettre aux opinions, conceptions et croyances conventionnelles dont la validité n’est pas universellement certifiée. Ces esprits indépendants se posent des questions et cherchent à approfondir leurs connaissances.

Ce sont ces personnes-là, par priorité, que l’enseignement du Vedanta peut éclairer. En effet, explique-t-il, la forme spécifique de notre identité apparente résulte d'une confusion qui nous porte à croire que les apparences relatives, (l'ego et ce qu'il perçoit), sont vraiment réelles, incontestablement réelles.

La distinction entre réel et irréel, entre vrai et faux, doit être précisée. Dans le Vedanta on emploie les mots 'satya' et 'mithya' et on les explique.

Satya, c'est la vérité absolue. C'est ce qui ne sera jamais annulé : ce qui ‘est’ indépendant de nos sensations, émotions, opinions et conceptions relatives, empiriques, religieuses, scientifiques ou autres.

Mithya, au contraire, c’est la vérité relative (ou illusoire) : qui ‘existe’ de manière relative, superficielle, conditionnelle, non absolue.

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Le ‘mécanisme’ producteur de confusion entre réel et irréel doit être mis au clair.

En tant qu'humains nous disposons de tous les éléments nécessaires à une perception accomplie : un percevant, quelque chose à percevoir et un processus de perception. Cela nous permet de connaître tout ce qui se manifeste ou peut se manifester, le vrai comme le faux.

Par exemple, lorsqu'on nous voyons une pomme réellement présente dans une coupe parmi d'autres fruits, si nous sommes attentif, nous avons spontanément la certitude, dès le début de l'observation, qu'il s'agit bien d'une pomme.

L'effort développé qui consistera, ensuite, à la toucher, la prendre et la déguster, dépendra de cette perception initiale non trompeuse.

Mais il existe des cas où une perception que l'on croit juste ne l'est pas en réalité. Il peut arriver par exemple que l'on perçoive illusoirement de l'eau dans un désert aride, ou que l'on confonde une personne avec une autre par inadvertance.

Image d'un nénuphar

Les modalités du processus de perception sont assez complexes. Parmi ces modalités particulières, l'effort, qui est nécessairement engagé dans tout processus de perception, peut prendre deux formes principales :

  1. - L'effort ayant pour fruit une connaissance juste : c'est le cas du premier des exemples précédents  l'effort atteint son but, la dégustation de la pomme.
  2. - L'effort ayant pour fruit une fausse connaissance : on voit de l'eau, on s'approche pour boire, mais il n'y a pas d'eau. Ou bien, on croît reconnaître une personne, on va lui parler, mais on se rend compte avec surprise qu’il s’agit de quelqu'un d'autre.

Dans ce deuxième cas, l'effort n'atteint pas son but : boire de l'eau, parler à la personne connue.

La quête spirituelle dévoile ce mécanisme.

Dans le cas de la connaissance juste (perception de la pomme), nous n'avions pas de doutes, la validité de notre perception n'avait pas besoin d'être confirmée après vérification par une autre perception ; notre conscience n'étant perturbée par aucun obstacle, notre perception initiale n'était pas trompeuse.

Dans le cas de la fausse connaissance (absence d'eau, confusion avec une autre personne), nous ne doutions pas non plus de la validité de notre connaissance au moment initial de la perception, cependant nous étions dans l'illusion.

Où est la faille ? Pourquoi cette illusion peut-elle se produire ? Parce que, par eux-mêmes, nos instruments de perception corporels, sensoriels et mentaux ne peuvent pas faire le tri entre le vrai et le faux. Ils ne peuvent pas faire plus que ce que leurs moyens fonctionnels leurs permettent de faire - chacun à sa manière : présenter à la conscience, à l’ego, les phénomènes perceptibles.

S'il ne vérifie pas la validité de ses perceptions, l'ego peut prendre pour vrai ce qui ne l'est pas. Mais, par principe, il peut s’autoriser à douter positivement ; il doit alors exercer son attention pour vérifier la validité des conditions et moyens de perception ; il peut, par exemple, décider de se rapprocher de l'objet de perception, faire tout ce qu'il faut pour se dégager des obstacles qui s'opposent à une connaissance valide. Cette manière appropriée de percevoir et de vivre avec attention et précision aura pour conséquence une connaissance juste lui permettant de vivre de manière appropriée.


Image du don de lumière


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